Eshbaal

 

Eshbaal (אשבעל) est le fils cadet du roi Saül, son quatrième ou cinquième fils d'après le premier livre des Chroniques (1). Voilà un nom étonnant pour un lecteur moderne de la Bible ! Et pourquoi est-il nommé Ish-Bosheth (איש־בשת) dans les autres livres bibliques ?

 

 

 

 

Etymologie

 

Les orthographes des traductions françaises sont multiples (Eschbaal, Eshbaal, Echbaal, Esbahal ou encore Ishbaal), mais elles correspondent toutes à la combinaison de deux mots.

1. Esh (אש) qui signifie feu ou flammes, ou Ish (איש) qui signifie homme ;

2. Baal (בעל) qui signifie maître ou seigneur. L'usage de ce mot dans le nom d'un hébreu peut nous paraître déroutant, parce que le mot Baal est resté non traduit dans nos bibles françaises quand il fait référence au dieu des cananéens. Mais le mot est fréquemment utilisé dans la Bible hébraïque et il est traduit par maître, seigneur, mari, alliance, dominer, épouser...

 

Les commentateurs traduisent Eshbaal par "homme de Baal" ou "adorateur de Baal" (2). Mais on imagine mal des parents nommer leur bébé "adorateur de Baal". Il semble plus trivial de comprendre que Saül et sa femme Achinoam aient appelé leur fils "feu du Seigneur", comme leur petit-fils appelé Merib-Baal ou quelques cas d'hébreux nommés Baal tout court (3).

 

Le nom choisi par le couple royal est un contexte différent du surnom Jerubbaal - que Baal plaide - dont Gédéon s'est retrouvé affublé, lorsqu'il détruisit l'autel du dieu cananéen. Il s'agissait ici d'une sorte de moquerie du peuple suite aux propos tenus par Joas, le père de Gédéon : "Est-ce à vous de défendre Baal ? (...) Si Baal est un dieu, qu'il se défende lui-même, puisqu'on a démoli son autel. (Juges 6:31).

 

Toujours est-il que le fils cadet de Saül apparait plus souvent dans la bible sous le nom d'Ish-Bosheth (Isbosheth, Is-Boseth...) que les commentateurs traduisent par "homme de la honte" (4), combinaison de deux mots.

1. Ish (ou Iysh), qui signifie homme ;

2. Bosheth, qui signifie honte, confusion ou ignominie.

 

 

 

Noyau familial

 

C'est le premier livre des Chroniques qui mentionne deux fois Eshbaal. Au chapitre 8 verset 33, puis au chapitre 9 verset 39, "Ner eut pour fils Kis; Kis eut Saül; Saül eut Jonathan, Malki-Shua, Abinadab et Eshbaal", soit quatre garçons.

 

Le premier livre de Samuel au chapitre 14, versets 49 et 50, complète le noyau familial avec un cinquième fils et deux filles sans pour autant être exhaustif puisqu'il omet de nommer Malki-Shua et Eshbaal : "Les fils de Saül étaient Jonathan, Jishvi et Malkishua. L'aînée de ses deux filles s'appelait Mérab, et la plus jeune Mical. La femme de Saül s'appelait Achinoam; elle était la fille d'Achimaats" (5).

 

Saül ayant donné sa fille Mical comme épouse à David, Eshbaal était aussi le beau-frère de David. 

 

 

 

Histoire

 

Il est intéressant de constater qu'Eshbaal n'a pas été tué au combat par les Philistins, le même jour que ses frères. Sans doute parce ce qu'il n'était tout simplement pas présent sur le champ de bataille. C'est un fait, en tant que quatrième fils de Saül, Eshbaal n'était pas destiné à succéder à son père. Mais à la différence de ses autres frères, il ne marquait pas d'intérêt pour l'art militaire ou tout au moins pour la défense du pays.

 

Dans la jeune monarchie israëlite, quelle était la destinée d'un fils de roi au quatrième rang ? A défaut de participer à l'effort militaire, il est possible d'imaginer qu'Eshbaal jouissait d'une vie d'oisiveté, permise par le statut de sa famille.

 

Tout changea quand son père et ses trois frères ainés décédèrent le même jour sur le mont Guilboa. Alors que la tribu de Juda couronnait David comme son roi, Abner, le commandant en chef de l'armée de Saül, pris l'inititiave de mettre Eshbaal à l'abri à Mahanaïm, une ville située à l'est du Jourdain, puis de le faire couronner roi des territoires restés fidèles à Saül : la ville de Galaad, la plaine de Jizréel où l'armée des Philistins venait de battre les Israëlites, la tribu d'Aser plus au Nord, celle d'Ephraïm et bien sûr celle de Benjamin.

 

Déjà âgé de 40 ans (6), sans expérience et sans ambition politique, Eshbaal n'était qu'un instrument dans les mains d'Abner qui manoeuvrait pour conserver toute son influence sur la famille royale et sur le pays. Placer Eshbaal sur le trône légitimait la guerre civile qu'Abner mènait contre David. Mais après 2 ans de règne et 2 ans sous l'influence d'Abner, Eshbaal osa contester sa mainmise toujours plus grande sur le pouvoir. En s'appropriant une concubine de Saül, Abner avait franchi une ligne rouge aux yeux d'Eshbaal.

 

Cet événement anodin modifia considérablement les relations diplomatiques entre les deux tribus et précipita la suite des événements.

 

D'une part, "David devenait de plus en plus fort, tandis que la famille de Saül s'affaiblissait de plus en plus" (2 Sam. 3:1). Acculé militairement, et n'étant plus suffisamment soutenu par la tribu de Benjamin et la famille de Saül, "Abner envoya des émissaires auprès de David pour lui faire cette proposition : A qui doit appartenir ce pays ? Conclus une alliance avec moi et je t'aiderai à rallier tout Israël autour de toi" (2 Sam. 3:14). D'autre part, David put nouer des relations diplomatiques directement avec son beau-frère et lui demanda que lui soit rendue sa femme Mical. Eshbaal, libéré du joug d'Abner, répondit favorablement à la demande de David.

 

Le conflit entre les deux maisons était dû aux seules ambitions de pouvoir d'Abner. Il cessa lorsqu'Abner fut assassiné par Joab, le commandant en chef de l'armée de David. Mais Eshbaal en fut une des dernières victimes, lâché, assassiné et décapité par sa garde. Avec l'immense respect que David avait pour Saül et sa famille, il honora Eshbaal et fit enterrer sa tête décapitée auprès d'Abner à Hébron.

 

Rien dans le récit biblique ne permet de qualifier le fils cadet de Saül, ni d'adorateur du dieu des cananéens, ni d'homme de la honte ou d'homme ignoble. Au contraire, David lui-même le qualifie d'homme juste (2 Sam. 4:11). C'est la désobéissance de son père et la fin de la première dynastie royale d'Israël qui ont été fatales à Eshbaal, comme à ses frères.

 

 

 

Références

 

(1) Le premier livre des Chroniques dans les bibles issues du Texte Massorétique correspond au premier livre des Paralipomènes dans les bibles issues de la Septante et de la Vulgate.

(2) C'est le cas du dictionnaire biblique Bost ou du dictionnaire biblique Westphal.

(3) Merib-Baal peut se traduire par "Baal est mon avocat". Pris au sens littéral, ce nom a de nouveau de quoi surprendre de la part de Jonathan son père. Il peut également se traduire par "le Seigneur lutte". Baal est aussi le nom d'un Benjaminite originaire de Gabaon (1 Chr. 8:30) et le nom d'un Rubenite à une époque tardive (VIIIème siècle avant JC, 1 Chr. 5:5).

(4) Le fils cadet de Saül est appelé Ish-Bosheth dans le deuxième livre de Samuel. C'est ce livre qui relate son histoire. Beaucoup d'articles sur Internet posent l'hypothèse d'une transformation tardive du nom d'Eshbaal par les scribes afin de ne pas retranscrire ou prononcer le nom du dieu cananéen. Cette hypothèse préjugerait d'une méconnaissance du mot "baal" chez ces scribes et n'explique pas pourquoi la transformation aurait été opérée dans le livre de Samuel, mais pas dans le livre des Chroniques.

(5) Il est possible de considérer que Jishvi et Abinadab soient un seul et même fils de Saül. Jishvi n'est jamais mentionné ailleurs et, surtout, la Bible mentionne deux fois que les Philistins livrèrent bataille à Israël et tuèrent Jonathan, Abinadab et Malkishua, les fils de Saül (1 Sam. 31:2 et 1 Chr. 10:2).

(6) Eshbaal serait ainsi plus vieux que David. Cet âge et son règne de seulement deux ans sont remis en cause (Cf. Encyclopedia Britannica) sans qu'en soient présentés les arguments.

 

Autres sources :

 

Abarim publications : Eshbaal

Bible study with Randy : Mahanaïm, Abner (l'importance des noms bibliques)

Dictionnaire Bost : Ish-Bosheth, ou Eshbaal

Dictionnaire Westphal : Isboseth ou Ichbochet

Encyclpoédie Britannica : Ishbosheth

Wikipedia : Ish-boshet

House of David : l'installation d'une rivalité royale entre David et Eshbaal